Portrait de Jean-Pierre Prudhon, Consul Honoraire de Hongrie en Lorraine

15/03/2024

Jean-Pierre Prudhon est Consul honoraire de Hongrie en Lorraine à Nancy depuis 1996. Il a exercé de nombreuses fonctions de direction au sein d'institutions financières leader mondiales ou nationales et est Administrateur du Centre Européen Universitaire de Nancy depuis 1998. 

Comment devient-on consul honoraire et quelles sont vos missions au quotidien ?

J'ai envie de dire « en décrochant le téléphone ». On est sollicité, ce n'est pas une demande. L'Ambassade de Hongrie en France cherchait des personnes en région pour être un relais du pays. A l'époque, je travaillais dans la finance et dirigeait une société de bourse, la Hongrie m'a contacté après la chute du rideau de fer. Je ne connaissais pas du tout la Hongrie. J'ai reçu de la documentation quotidiennement et d'abord, il s'agissait de parler de la Hongrie à mes clients puis après 2-3 ans ils m'ont proposé d'être consul honoraire. J'ai accepté en juin 1996 après l'intégration de la Hongrie dans l'OCDE en mai 1996 car l'OCDE à l'époque c'était un cliqué de non-retour vers le communisme (remettre en contexte avec la chute du rideau de fer).

Mes missions sont premièrement la représentation de la Hongrie en Lorraine. Ensuite, l'assistance aux Hongrois dans la Région notamment l'état civil en coopération avec la section consulaire de l'Ambassade à Paris ; le développement aussi des échanges économiques, culturels et universitaires ou encore les jumelages. Enfin, il faut savoir que l'ensemble des consuls et consuls honoraires se retrouvent dans des corps consulaires régionaux pour échanger et dialoguer avec les institutions. Il existe aussi une union des consuls honoraires de France qui regroupe 400 consuls et 120 pays environs, j'ai été Secrétaire général de cette union pendant quelques années.

Pouvez-vous rappeler les liens historiques entre la Hongrie et la France (et la Lorraine) et comment se portent ces relations aujourd'hui ?

L'Histoire est ancienne et remonte au début des années 900. Les Magyars sont venus envahir et faire des razzias en Occident ce qui a occasionné beaucoup de dégâts mais dans les retours de butins il y avait souvent des otages notamment des religieux. Ces religieux ont converti beaucoup de magyars au christianisme, eux qui étaient bien souvent des peuples athées. En l'An Mil, le Roi Etienne a choisi d'être couronné non pas Byzance mais par le pape Sylvestre II. Etienne a d'ailleurs été canonisé au XIe siècle et le 20 août (Saint Etienne) est un des 3 fêtes Nationales.

Il y a eu aussi beaucoup de militaires lorrains en Hongrie pour défendre l'Occident contre les ottomans. Le Duc de Lorraine Charles V libéra la Hongrie en 1586 après 150 ans d'occupation ottomane. 1586 corresponds à la date du siège de Buda avant la libération de toute la Hongrie puis le repeuplement du Banat (actuelle Roumanie) par des Lorrains et c'est pourquoi, on retrouve des noms de villages à consonnance lorraines dans cette région.

L'Histoire des relations franco-hongroise en Lorraine fait l'objet de toute une conférence mais je passe rapidement sur les autres périodes pour arriver en 1956 où la Lorraine a accueilli de nombreux réfugiés Hongrois. C'était 1200 Hongrois quotidiennement qui arrivaient par train, la mairie de Nancy était aux couleurs de la Hongrie mais beaucoup sont repartis en Hongrie par la suite. Aujourd'hui les relations sont multiples.

Dans le domaine économique, plus de 450 entreprises françaises sont présentes en Hongrie dont des groupes comme Cora ou Schneider. Dans le domaine culturel, Budapest fait partie du réseau des villes art nouveau et il existe au Musée Lorrain de Nancy une salle entièrement consacrée à la prise de Buda par Charles V. Autre exemple à l'église de Bonsecours à Nancy où repose Stanislas, des drapeaux Hongrois sont suspendus (et ont été restauré dernièrement). Le Lycée Cormontaigne de Metz a prévu des ciné-concerts autour du film « L'Annexion » dans 8 villes Hongroises grâce à des professionnels du cinéma avec un orchestre de jeunes lycéens et un chef d'orchestre reconnu. Pour terminer, la ville de Lunéville travaille actuellement autour d'un jumelage avec la Hongrie et la ville de Montois la Montagne entretient depuis 30 ans un jumelage avec une ville Hongroise.

Peut-on dire que la nomination de l'ambassadeur Georges de Habsbourg-Lorraine, petit-fils du dernier empereur d'Autriche et Roi de Hongrie et fils d'Otto de Habsbourg a contribué au renforcement des relations franco-hongroises ?

Tous les ambassadeurs de Hongrie ont toujours été présents en Lorraine et en France. La Messe annuelle à l'église des Cordeliers des ducs de Lorraine existait déjà et l'Ambassadeur y vient chaque année. On a souvent mis en exergue la valorisation de son père et d'ailleurs, une place porte le nom d'Otto de Habsbourg-Lorraine à Vaucouleurs dans la Meuse et bientôt une devrait porter son nom à Nancy aussi. Le Centre Européen Universitaire (CEU) à Nancy a aussi beaucoup de liens avec le Hongrie. Chaque ambassadeur a contribué a fortifié les relations franco-hongroises.

La Hongrie est souvent pointée du doigt malgré la bonne santé économique du pays et la stabilité politique, quelle vision de l'Europe défends la Hongrie aujourd'hui ?

Tout d'abord, il est important de rappeler que la Hongrie ne veut pas quitter l'Union Européenne contrairement à ce qu'on peut lire. 70% de Hongrois sont favorables à l'UE. Mais cela ne veut pas dire que la Hongrie approuve la manière de fonctionner actuelle de l'UE. Il y a actuellement une majorité libérale et de centre-gauche en Europe alors que la Hongrie a un gouvernement de droite conservatrice, il y forcément des désaccords idéologiques. La Hongrie défend l'idée d'une « Europe des Nations » en demandant plus de subsidiarité, ce que l'UE a oublié et qui était pourtant dans les Traités fondateurs. L'Europe s'empare de sujets qui relèvent des Nations. L'idée est qu'il faut améliorer le fonctionnement des institutions européenne.

La Commission Européenne a aujourd'hui trop de pouvoir et il serait préférable qu'elle soit le secrétariat général du Conseil. Le Parlement Européen ne fonctionne pas bien non plus, on l'a vu avec le « Qatargate ». C'est pourquoi la Hongrie s'est retrouvée souvent en opposition frontale avec la Présidente de la Commission Européenne parfois avec des arguments erronés au sujet de la Hongrie d'ailleurs. L'Etat de droit est une réalité en Hongrie. L'indépendance de la justice Hongroise pourrait être un exemple pour la France tout comme la liberté de la presse en Hongrie. Il faudra aussi voir avec les prochaines élections européennes de 2024 l'évolution politique du Parlement Européen.

Mais le rôle du consul est plus neutre, on représente un pays avant de représenter un gouvernement à la différence des ambassadeurs. Je suis consul honoraire depuis 1996 et j'ai continué à l'être selon les gouvernements. Entre 2002 et 2010, la Hongrie était dirigée par un gouvernement socialiste. Le consul se situe au-delà des partis, cela permet d'avoir une vision plus juste avec des informations croisées chaque matin. Je constate ainsi qu'il y a une méconnaissance complète des médias Français sur ce qui se passe en Hongrie. 

Photo de Jean-Pierre Prudhon
Photo de Jean-Pierre Prudhon
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